Quand un cinéma ferme…

Ce blog s’intéresse à la diffusion de contenus culturels, plus particulièrement patrimoniaux, par le biais du Web. Je n’en n’oublie pas pour autant l’accès, sur le lieu de vie, à une offre culturelle de qualité. Une fois n’est pas coutume, il sera question non pas d’un musée ou d’une bibliothèque, mais d’un cinéma labellisé « Art et Essai » et de son intérêt dans le paysage culturel d’une ville. Ce billet rend compte d’un problème local mais je pense que ce phénomène se rencontre dans un certain nombre de villes françaises.

Le cinéma Le Melville, dont il va être question, est situé en centre-ville de Rouen, ville inscrite dans une aire urbaine de plus de 500 000 habitants. Donnons d’abord un aperçu de l’offre cinématographique à Rouen. Rive droite, on trouve, outre ce cinéma « Art et Essai », un cinéma Gaumont également situé en centre-ville. La fermeture de ce cinéma Gaumont est programmée et intervient après l’installation récente d’un autre cinéma Gaumont Pathé, dans un nouveau centre commercial du quartier des docks. Le cinéma Ariel (à Mont-Saint-Aignan) propose également – et fut le premier à le faire dans l’agglo – une offre « Art et Essai ». Rive gauche se trouve un cinéma UGC, également installé dans un centre commercial.

Le problème actuel est la fermeture inévitable du cinéma Le Melville, qui ne peut continuer son activité sans les subventions dont il bénéficiait jusqu’à présent, provenant de trois collectivités. La Ville de Rouen, l’une des collectivités qui le subventionnait, a opté pour le rachat du Gaumont centre-ville, qui sera géré sous le mode de la délégation de service public (la Ville devra bientôt choisir l’un des quatre projets présentés, dont celui de l’actuel directeur du Melville associé à la SECAE et celui de l’UGC). Notons que la fermeture du Melville entraîne la suppression de dix postes.

La fermeture d’un cinéma « Art et Essai » existant depuis vingt ans pour le rachat et la mise en travaux d’un autre cinéma, dans le but d’une nouvelle programmation « Art et Essai », peut surprendre. Je ne rentrerai pas dans les diverses querelles politiques liées à cette décision. On peut seulement s’interroger sur la pertinence de l’opération, sachant qu’un cinéma comme Le Melville offre un accueil et une ambiance qu’on ne retrouve pas dans les multiplexes. La programmation compte, le lieu également.

Par ailleurs, même si le Gaumont racheté est transformé en cinéma « Art et Essai », je doute que le nombre plus important de salles augmente d’un coup le nombre de spectateurs intéressés par ce type de programmation. On connaît assez le mécanisme des choix culturelspour savoir qu’un nombre plus important de salles ne suffit pas. Le soutien à un cinéma existant, pour qu’il développe éventuellement son attractivité vis-à-vis de spectateurs jusque-là non intéressés, était peut-être plus judicieux. Que changera l’ouverture de ce nouveau cinéma quand il en existait déjà un pour répondre aux attentes d’un grand nombre de spectateurs ? Ce nouveau cinéma sera-t-il tout simplement viable ou devra-t-il finalement élargir sa programmation pour y parvenir ?

Bien entendu, les cinémas « Art et Essai » élargissent déjà leur programmation à des films que l’on retrouve dans les autres cinémas. Cela peut se révéler économiquement nécessaire lorsqu’en miroir les multiplexes proposent également une part de films relevant plutôt de « l’Art et Essai ». Ce phénomène a été très bien expliqué par Françoise Benhamou (comme dans cet article sur son blog « En pleine culture »). Ne serait-ce donc pas plus pertinent de soutenir les cinémas « Art et Essai » de taille modeste afin qu’ils conservent une programmation originale ? Pour terminer, je vous invite à découvrir le blog que le Melville a créé pour rendre compte de sa situation.

Image : Vintage camera / Photographe : Homero Chapa / Source : http://www.stockvault.net/
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