Des musées et des mots

Bustes sculptésRécemment paru aux éditions Armand Colin, le Dictionnaire encyclopédique de muséologie constitue un ouvrage de référence, en langue française, sur cette discipline et sa mise en application. Émanant du Comité international de muséologie de l’ICOM (ICOFOM), il a été réalisé sous la direction d’André Desvallées et de François Mairesse. Plus de 700 pages pour faire le point sur les aspects majeurs du monde des musées, aboutissement d’un travail dont les Concepts clés de muséologie avaient déjà donné un aperçu.

L’ouvrage se structure en deux parties. La première, la plus conséquente, forme le volet encyclopédique : vingt-et-un articles correspondant à autant de mots. De « Musée », « Muséologie », « Muséographie » – les termes fondamentaux – à « Éthique », « Gestion » ou « Public », les entrées dans le sujet sont variées. Sur la forme, la lecture des articles est rendue vivante grâce à des phrases extraites et mises en évidence. Le dictionnaire de muséologie constitue la seconde partie, le tout étant complété par une bibliographie de plus de quarante pages. Des renvois permettent de circuler entre ces deux parties. Enfin, trois cahiers thématiques et illustrés cassent l’aspect un peu linéaire de l’ouvrage. Le dernier cahier, par exemple, porte sur les « perspectives muséales pour le XXIe siècle ». Images et commentaires s’articulent bien pour traiter chaque thème.

Après cette présentation formelle, venons-en au contenu et à l’apport de cette publication pour les professionnels et personnes intéressées par le sujet. Étant donné la nature de l’ouvrage, une approche théorique est privilégiée, même si certains articles s’appuient davantage sur des exemples concrets. J’ai personnellement apprécié l’article consacré à la « Profession », qui apporte un éclairage intéressant sur la diversité des métiers existants et appelés à se développer. En voici un extrait :

Enfin, il ne faut pas oublier un poste qui prend une importance croissante, celui de responsable du site web et de son animation. Lieu de changement rapide et manifeste des institutions, la présence active et dynamique sur l’Internet devenant un critère de visibilité, mais aussi de visite virtuelle des institutions pour des nouveaux publics, signe de leur vitalité et de leur prise avec la société. (Serge Chaumier et François Mairesse, p. 488)

En ce qui concerne justement le Web et le numérique, différents articles (« Collection », « Éducation », « Exposition »…) développent des éléments de réflexion à ce sujet, même si l’on peut regretter qu’un article à part entière n’y ait pas été consacré. Le dictionnaire propose plusieurs entrées comme « Musée virtuel » et « Musée numérique », le terme « virtuel » étant d’ailleurs discuté à différentes reprises dans l’ouvrage. Selon les articles et les auteurs (au nombre de neuf), on rencontrera des analyses plus ou moins enthousiastes de ce que permettent les « nouvelles » technologies et la présence en ligne du musée.

Le type du musée un peu figé, voire crispé autour de ses collections, est analysé dans l’ouvrage. J’ai tout de même été un peu surprise de lire certaines des conclusions qui en sont tirées :

Mais cette fonction [l’expérience sensible] se trouve très souvent entravée par une sorte de puritanisme qui condamne le sensible au nom de la priorité accordée à l’acquisition des connaissances, ce qui explique par exemple l’interdiction de toucher les expôts qui équivaut en fin de compte à la négation brutale de cette dimension originale de la communication muséale. (Bernard Deloche, article « Communication », p. 78-79)

Vouloir conserver les œuvres le plus longtemps possible – et pouvoir ainsi les exposer – explique à mon sens cette interdiction. Je ne suis pas convaincue qu’il y ait derrière cela une volonté de restreindre l’expérience sensible du visiteur. Cela n’empêche pas, bien sûr, de considérer d’autres enjeux pour le musée que la seule acquisition de connaissances.

Ouvrage très riche, ce dictionnaire encyclopédique, auquel le lecteur pourra se reporter régulièrement, apporte de nombreuses pistes de réflexion.

Image : Ashmolean Museum, Oxford – Chantrey wall (Flickr – Martin Beek – CC BY-NC-SA 2.0 – cliquez sur l’image).
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2 commentaires

  1. Whaou 700 pages un sacré pavé! Déjà que les Concepts clés de muséologie étaient un peu indigestes dans leur genre… Mais sans doute un excellent outil pour faire de point sur cette discipline.

    • Muséologique

      Merci de votre commentaire. Oui, je pense que c’est intéressant de l’avoir sous la main pour creuser un thème de temps en temps. Vu le genre de l’ouvrage, on ne le lit pas forcément d’une traite 😉