Les portraits féminins de Joseph-Désiré Court

Joseph-Désiré Court (1797-1865) s’est illustré dans la peinture officielle et historique mais également comme portraitiste. J’ai été particulièrement touchée par ses portraits féminins, bien représentés au musée des Beaux-Arts de Rouen.

Rigolette cherchant à se distraire pendant l’absence de Germain est une huile sur toile datée de 1844 (voir une reproduction sur le site de l’Université de Rouen consacré à Gustave Flaubert, en bas de page). Le titre de ce tableau fait référence au roman d’Eugène Sue, Les Mystères de Paris (1842-1843), qui connut un grand engouement.

Voici comment Rigolette est décrite dans le texte :

En véritable enfant de Paris, Rigolette préférait l’étourdissement au calme, le mouvement au repos, l’âpre et retentissante harmonie de l’orchestre des bals de la Chartreuse ou du Colisée au doux murmure du vent, des eaux et du feuillage ; […] Debout devant une glace placée au-dessus de sa cheminée, Rigolette finissait de nouer sous son menton les brides de ruban d’un petit bonnet de tulle brodé, orné d’une légère garniture piquée de faveur cerise ; ce bonnet, très-étroit de passe, posé très-en arrière, laissait bien à découvert deux larges et épais bandeaux de cheveux lisses, brillants comme du jais, tombant très-bas sur le front ; ses sourcils fins, déliés, semblaient tracés à l’encre et s’arrondissaient au-dessus de deux grands yeux noirs éveillés et malins ; ses joues fermes et pleines se veloutaient du plus frais incarnat, frais à la vue, frais au toucher comme une pêche vermeille imprégnée de froide rosée du matin […] Enfin, dans l’embrasure d’une des croisées, on voyait la cage de deux serins, fidèles commensaux de Rigolette. Par une de ces idées industrieuses qui ne viennent qu’aux pauvres, cette cage était posée au milieu d’une grande caisse de bois d’un pied de profondeur ; placée sur une table, cette caisse, que Rigolette appelait le jardin de ses oiseaux, était remplie de terre recouverte de mousse pendant l’hiver, au printemps on y semait du gazon et de petites fleurs. » (Quatrième partie)

Contrastant avec le texte d’Eugène Sue, cette toile nous montre un décor plutôt cossu, au sein duquel se trouve une jeune femme comme saisie sur le vif, au visage grave et un peu rêveur. Son regard se dirige vers quelque chose qui nous échappe, situé hors-champ. Le visage de Rigolette, cerclé de ses cheveux noirs et de son voile sombre, se détache nettement de l’arrière-plan baigné d’une lumière douce aux reflets dorés.

Le portrait de Rigolette fut utilisé pour illustrer une édition de Madame Bovary (Folio classique). Or, le site de l’Université de Rouen déjà mentionné précise justement :

Plusieurs portraits de Joseph Désiré Court ont souvent été donnés à tort pour des portraits d’Emma Bovary ou de Delphine Delamare [dont s’est visiblement inspiré Flaubert pour le personnage d’Emma Bovary].

C’est une physionomie et une attitude comparables que l’on retrouve dans le tableau La Vénitienne au bal masqué, peint sept ans plus tôt (reproduction sur le site de l’Université de Rouen).

La Vénitienne au bal masqué peut être comparé au Portrait de Yekaterina Scherbatova (vers 1840, musée de l’Ermitage ; voir une reproduction sur le site du musée). Même richesse du décor (en particulier la colonne à droite), bras droit appuyé, coiffure, regard tourné vers l’extérieur, il en diffère cependant par sa lumière dorée et son cadrage moins serré du sujet.

La Glaneuse

La Glaneuse – musée des Beaux-Arts de Rouen

La Glaneuse (1841), représentant cette fois encore une jeune femme brune, est un portrait tout aussi intéressant.

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